L. Les propositions
1. Proposition finale et proposition de but
322) Le hittite ne forme pas de propositions finale et de but. Lorsqu'il veut construire de telles propositions, le hittite se contente de les juxtaposer avec nu : nas UL tarnahhun nan-kan UL kuennir "et je ne les ai pas laissés, et ils ne l'ont pas tué" (= je n'ai pas permis qu'ils le tuent), takku LÚ-an nasma MUNUS-an ELLAM wal(a)hzi kuiski nas aki "si quelqu'un frappe un homme libre ou une femme (libre) et (de sorte que) il (elle) meurt", nu taskupāi nu URU-as dapiyanzi isdammaszi "pleure maintenant, et toute la ville (l') entendra" (= de sorte [ou : afin] que toute la ville l'entende).
2. Proposition causale et proposition affirmative dépendante
323) La conjonction de la proposition causale est kuit "parce que". Elle ne se trouve jamais en début de proposition. La proposition introduite par kuit se trouve habituellement devant : nu ABŪYA genzuwalas kuit esta nas ŠA MUNUSTI memiyani kāri tiyat "comme mon père était indulgent, il a accueilli favorablement l'affaire de la femme", annisan-ma kuit ANA mMahsuluwa IBILA NU.GÁL esta nu-za tuk mKupanta-dKAL-an DUMU ŠEŠ-ŠU IBILA-anni sarā dān harta "mais comme à cette époque aucun descendant n'était né de M., alors il t'avait pris, K., le fils de son frère comme descendant".
Au sujet de la présence ou non de nu dans les propositions causales, cf. §311.
324) kuit peut aussi signifier "que" ; dans ce cas, la proposition introduite par kuit se trouve souvent après. Ainsi :
a) avec kuit dans le sens de "le fait que" : ammēl kās-pat 1-as dammeshas kiy-an 1-an dammeshanunun IŠTU É.GALLIM-pat-kan kuit katta uiyanun "ceci (est) ma condamnation unique : ainsi moi seul l'ai condamné à le chasser du palais" ;
b) après un verbe de perception : mahhan-ma LÚMEŠ URUAzzi auer URUDIDLI.HI.A BÁD-kan kuit zahhiyaz katta daskiwan tehhun "mais les gens d'Azzi ont vu que je commençais à soumettre des villes au combat".
325) Un participe substantivé ou un nom peut aussi dépendre d'un verbe de perception ou de parole avec le sens de "que" : ammuk-war-an akkantan IQBI "il me l'a annoncé comme mort" (c.à.d il m'a dit qu'il était mort), mahhan-ma KUR.KURMEŠ LÚKÚR mArnuandan ŠEŠ-YA irman istamassir "mais comme les ennemis ont entendu mon frère Arnuwanda malade" (c.à.d. comme ils ont entendu qu'il était malade).
3. Proposition temporelle
326) Les propositions temporelles sont introduites par :
a) mahhan "alors que, tandis que, comme, quand" : mahhan-ma hameshanza kisat "mais comme c'était le printemps", mahhan-ma UZUÌ zeyari "mais tandis que la graisse cuit" ;
b) mān "comme, quand" en vieux-hittite à la place de mahhan : mān-san mTelepinus INA ĜIŠGU.ZA ABĪYA eshat "quand moi, Telepinu, je me suis assis sur le trône de mon père" ;
c) kuwapi "au moment où" : nu-za ABŪYA kuwapi DINGIRLIM-is DÙ-at "à l'époque où mon père est devenu un dieu" ;
d) kuitman = lat. dum, ainsi :
1. "aussi longtemps que, pendant" : nu kuitman ABŪYA INA KUR URUMitanni esta "aussi longtemps que mon père était dans le pays Mitanni" ;
2. "jusqu'à" (placé après la proposition principale) : nu É-ri-ssi anneskizzi kuitman-as SIG5-attari "et il travaille dans sa maison jusqu'à ce qu'il soit guéri" ;
3. Les propositions introduites par "jusqu'à" multiples sont reliées entre elles en asyndète (§310g) : nu-wa-ssi kās LÚKARTAPPU pidi-si esaru kuitman-as uizzi kuitman-as apiya EĜIR-pa uizzi "et ce maître d'étable doit rester à sa place jusqu'à ce qu'il vienne (et) jusqu'à ce qu'il y retourne" ;
4. nāwi kuitman "pas encore" signifie aussi "avant que" : nu ANA KUR LÚKÚR nāwi kuitman kuēdanikki pāun "avant que je ne parte contre quelque pays ennemi".
e) kuit signifie parfois "à l'occasion de, lorsque" : nu-za KUR URUArzawa kuit hūman tar(a)hhun nu-za dUTUŠI kuin NAM.RA INA É LUGAL uwatenun nas anda 1-etta 66.000 NAM.RA esta "les prisonniers que moi, le Soleil, lorsque j'ai détruit tout le pays Arzawa, j'ai emportés dans le palais royal, étaient en tout 66.000 prisonniers".
4. Proposition conditionnelle
327) a) La proposition conditionnelle réelle est habituellement introduite par mān "si" : mān-kan LÚMUNABTUM IŠTU KUR-KA KUR URUHatti LÚpittiyantili uizzi nan-ta EĜIR-pa UL piyanzi "si un réfugié vient dans le pays Hatti en tant que réfugié, alors on ne le renverra pas", mān-kan ŠÀ KURTI akkiskittari nat mān kururas kuiski DINGIRLUM iyan harzi nu kissan iyami "si à l'intérieur du pays une grande mortalité a lieu et si un dieu quelconque de l'ennemi l'a causée, alors j'agis ainsi".
b) Le mot ancien takku "si" est surtout utilisé dans les textes législatifs, plus rarement dans d'autres types de textes : takku LÚ-an ELLUM sullannaza kuiski dasuwahhi 1 MA.NA KÙ.BABBAR pāi "si quelqu'un rend aveugle un homme libre lors d'une bagarre, il donnera une mine d'argent".
328) a) La conjonction est parfois totalement absente : INA ITI.12.KAM DUMU-as miyari apās DUMU-as LÚŠU.GI-eszi "(si) un garçon est né au 12ème mois, (alors) ce garçon deviendra vieux", wasdul kuēlqa autti ... nu-za pankun EĜIR-pa punuski "(si) tu vois un délit, ... alors demande toujours à la communauté", NINDA-an-za wemiyanun nanza AHĪTĪYA natta kuwapikki edun "(si) j'ai trouvé du pain, alors je ne l'ai jamais mangé en secret".
b) 1. nasma a essentiellement le sens de "ou si" : nasma ERIN2MEŠ ANŠU.KUR.RAMEŠ ANA dUTUŠI wekti nu-tta nassu dUTUŠI ERIN2MEŠ ANŠU.KUR.RAMEŠ uppahhi nasma-tta KUR-eas ZAG-as EN-as EĜIR-an uizzi "ou si tu veux des fantassins (et) des chars du Soleil, ou bien moi, le Soleil, je t'enverrai des fantassins et des chars, ou bien le seigneur des frontières du pays t'assistera (lit. : viendra derrière toi)".
2. Mais on trouve aussi nasma mān : nasma mān KURTUM kuitki zahhiyaza LUGAL KUR URUHatti anda hatkisnuzzi "ou si le roi du pays Hatti agresse par le combat quelque pays".
329) Dans la proposition conditionnelle potentielle, on trouve mān avec le présent, selon la seule preuve claire connue. Par analogie avec les propositions conditionnelles irréelles construites de la même manière, ce mān doit probablement être interprété comme la particule irréelle man avec omission de la conjonction mān "si". Preuve : mān-wa-mu 1-an DUMU-KA paisti man-war-as-mu LÚMUTĪYA kisari "si tu voulais me donner un de tes fils, il pourrait devenir mon mari".
330) a) 1. Dans la proposition conditionnelle irréelle, on trouve habituellement mān "si" et la particule irréelle man (§265ff.) dans l'expression man mān avec le prétérit : man-kan mān ANA dUTUŠI kuwapi HUL-wanni kittat man-ta dUTUŠI arha pessiyanun "si cela avait été fait avec une mauvaise intention envers le Soleil, moi, le Soleil, j'aurais pu te chasser", man-kan mān ANA mAttarsiya huiswetenn-a kastita-man akten "même si vous étiez partis chez A. en vie, vous seriez quand même morts de faim".
2. Avec l'écriture mān à la place de man : mān-kan mān ANA mPittaggatalli-pat warpa tehhun man-mu LÚauriyalus kuit ŠA mPittaggatalli auer mān-mu piran arha tarnas "puisque, si j'avais dirigé la marche (?) directement vers P., les gardes de P. m'auraient vu, il serait parti devant moi".
b) Cependant, la conjonction peut ici aussi disparaître, de telle manière que la protase ne contient que la particule man, écrite éventuellement mān : EĜIR-an-man kuwapi apēdas ANA NAM.RAMEŠ tiyanun man dUTUŠI EĜIR-an tiyanun "si je m'étais jamais occupé de ces prisonniers, moi, le Soleil, je m'en serais occupé (c.à.d. je m'en serais occupé personnellement)", ammuk-man-wa kuwapi DUMU-YA esta ammuk-man-wa ammēl RAMĀNĪYA ammēll-a KUR-eas tepnumar tamētani KUR-e hatrānun "aurais-je, (si) j'avais déjà un fils, écrit à un autre pays l'humiliation de moi-même et de mon pays ?".
331) a) Une protase irréelle ou potentielle peut parfois être suivie d'une apodose réelle : man-ma-za DAM-YA ANA MUNUS.LUGAL isiyahhiskattallas kisat nu idālu kuitki iyat "mon épouse aurait dû-t-elle devenir une enquêtrice contre la reine si elle a fait quelque chose de mal ?".
b) L'apodose peut parfois être sous-entendue dans les malédictions et les serments : nasma-kan mān dUTUŠI kuēdani anda idālu istamasti nat-mu-kan mān sannatti nat-mu UL mematti apūnn-a-mu antuhsan UL tekkussanusi nan anda imma munnāsi "ou si tu entends du mal de quelqu'un envers le Soleil, (alors malheur à toi) si tu me le caches et tu ne me le dis pas, que tu ne m'indiques pas non plus ces hommes et que tu me les caches", mān-ma-wa ĜIŠKARA2 iskallahhun nasma-wa NA4KIŠIB duwarnahhun nasma-wa-za dahhun kuitki "(que je sois maudit) si j'ai coupé le cordon ou si j'ai rompu le sceau ou si j'ai pris quelque chose pour moi".
5. Proposition concessive
332) a) La proposition concessive est généralement introduite par mān-a "bien que" : mUrhi-dU-upas-ma-mu mān HUL-luss-a esta ammuk-ma UL karussiyanun "mais bien que Urhi-Tessup était mal disposé envers moi, je ne restais pas immobile à l'observer", nu-za mān irmalanza-sa (§25b) esta dUTUŠI-ma-tta ANA AŠAR ABĪKA tittanunun-pat "et bien que tu étais malade, je t'ai néanmoins (§293e) installé à la place de ton père".
b) mān "si" seul peut aussi servir de conjonction concessive : zik-ma-za mKupanta-dKAL-as ANA mPÍŠ.TUR-wa kuit DUMU-ŠU esta mān-za UL manga wasdulas esta man-ta-kkan É ABĪKA KUR-KA-ya UL arha dāir "puisque toi, K., tu étais cependant le fils de Mashuiluwa, quelqu'un n'aurait-il pas pu te prendre, bien que tu n'étais absolument pas coupable, la maison de ton père et ton pays ?".
6. Proposition interrogative indirecte
333) La proposition interrogative indirecte qui n'est pas introduite par un pronom interrogative (kuis "qui ?", masiwant- "quelle taille ?", etc...) ou par un adverbe interrogatif (kuwapi "où ? quand ?", kuwat "pourquoi ?", etc...) commence par mān "si" (aussi pour la double interrogation mān - mān "si - ou bien") : nu mUrhi-dU-upas kuit apiya nan punus mān kisan mān UL kisan "puisque Urhi-Tessub (est) là maintenant, alors demande-lui si c'est ainsi (ou) si ce n'est pas ainsi".
7. Proposition relative
334) a) Le hittite ne construit pas la proposition relative comme on en a l'habitude en français, par ex. "l'homme que tu as vu est mon père", mais plutôt "tu as vu cet homme, celui-là est mon père". La proposition relative précède aussi la proposition principale dans la plupart des cas. Le pronom relatif est souvent, mais pas obligatoirement, en deuxième position dans la proposition dont il fait partie. Le hittite tire le nom dont dépend la proposition relative (qui se trouverait en français dans la proposition principale) dans la proposition relative et le mentionne habituellement de nouveau dans la proposition principale qui suit : nu-za dUTUŠI kuin NAM.RA INA É LUGAL uwatenun nas 15.500 NAM.RA esta "et les prisonniers que moi, le Soleil, j'ai conduit au palais royal, étaient 15.500 prisonniers", nasma-tta URUKÙ.BABBAR-sas ZAG-as kuis BĒLU maninkuwan nu ERIN2MEŠ ANŠU.KUR.RAMEŠ apēdani wekti "ou le seigneur des frontières de Hattusa qui (est) près de toi, (si) tu lui réclames des fantassins (et) des chars", pēdi-ma-kan kuē KUR.KURMEŠ daliyanun nu-smas ZAGHI.A-us tehhun "mais les pays que j'ai laissés en place, j'ai défini leurs frontières", nu kuis tān pēdas DUMURU nu LUGAL-us apās kisaru "celui qui est un fils de second rang, celui-là doit devenir roi", nu-mu arahzenas KUR.KUR LÚKÚR kuēs kururiyahhir nu ANA KUR LÚKÚR nāwi kuitman kuēdanikki pāun "ces pays voisins qui avaient commencé à m'attaquer, avant que je n'aille dans l'un de ces pays voisins".
b) Exemple de propositions relatives imbriquées : dU-as kuēdani UD-ti hatuga tethiskit ... TÚGNÍG.LÁMMEŠ kuē apēdani UD-ti wassan harkun ANA ĜIŠGIGIR-ya-kan kuēdani apēdani UD-ti arhahat nu kē TÚGNÍG.LÁMMEŠ ... ĜIŠGIGIR-ya tūriyan apātt-a dāir "ce jour où le dieu de l'orage avait tonné terriblement plusieurs fois ... ces vêtements que j'avais portés ce jour-là, et le char sur lequel je me tenais ce jour-là, ils ont pris (pour eux) ces vêtements ... et ce char harnaché".
c) Autres exemples de propositions relatives : ÌRMEŠ-YA-wa-za kuēs dās nu-war-as-kan kattanta pehutet nu-war-as-mu arha uppi "mes sujets que tu as pris et emportés, renvoie-les moi !", NAM.RAHI.A kuēs ABŪYA arnut ammuqq-at arnunun nu-mu-kan mān apēl kuiski ŠA NAM.RAMEŠ huwāizzi "ces prisonniers que mon père a emportés et que j'ai emportés, si l'un de ces prisonniers s'enfuit loin de moi".