J. Les particules
1. Généralités
287) On désigne comme particules au sens strict les mots suivants : -wa (-war) de citation, -pat "aussi, même", les particules de positionnement -kan et -san et les particules encore mal comprises -(a)sta et -(a)pa (-ap), peut-être aussi les conjonctions enclitiques -a (-ya) "et" et -ma "mais". Dans un sens plus large, on peut y ajouter les formes pronominales enclitiques (§§100 et 102) ainsi que le pronom réflexif -za (-z) (§240 - 243). Tous ces éléments enclitiques s'attachent au premier mot accentué de la phrase et ils donnent par leur abondance son caractère particulier à la liaison des phrases hittites, surtout en néo-hittite.
288) Si ces mots enclitiques paraissent entassés, ils se suivent cependant dans un ordre parfaitement régulier :
1. La première place est occupée par les conjonctions -a (-ya) "et" et -ma "mais" (§302 - 305. 318 f.).
2. A la deuxième place se trouve la particule de citation -wa (-war) (§289 - 292).
3. Après les conjonctions et après -wa se trouvent les pronoms enclitiques (§§100 et 102) et le pronom réflexif -za (§240 ff.).
4. Les particules -kan, -san, -(a)sta et -(a)pa (§294 - 301) terminent la série.
5. a) Plusieurs pronoms enclitiques viennent avant, ainsi les formes de la 3ème personne (§102) se placent en général avant les formes du §100 et avant -za.
b) -za suit aussi les formes du §100.
Exemples (avec un renvoi sur la numérotation des enclitiques) : nu-mu-kan "et à moi" (3. 4), n-at-mu "et lui à moi" (3. 5a), n-at-si "et ça (ils) à lui" (3. 5a), n-as-za "et lui-même" (3. 5a), nu-mu-za-kan "et à moi-même" (3. 4. 5b), kinun-as-mu-kan "maintenant lui à moi" (3. 4. 5a), mahhan-ma-mu-kan "mais alors qu'à moi" (1. 3. 4), n-an-za(n) "et lui-même" (3. 5a ; pour -za(n), cf. §§34. 42b), MI.KAM-az-ma-at-kan "mais la nuit ça (ils)" (1. 3. 4), piran-ma-at-mu "mais ça devant moi" (1. 3. 5a), nu-war-an "et lui" (2. 3), nu-war-as-za "et lui-même" (2. 3. 5a), ammuk-ma-wa-kan "mais moi" (1. 2. 4), nu-wa-mu-za "et à moi-même" (2. 3. 5b), nu-wa-mu-kan "et à moi" (2. 3. 4), nu-wa-nnas-za "et nous-même" (2. 3. 5b), nu-wa-mu-ssan "et à moi" (2. 3. 4), nu-wa-smas-(s)ta "et à vous (à eux)" (2. 3. 4) (pour -(s)ta à la place de -(a)sta, cf. §42c), nu-war-as-ta "et lui à toi" (2. 3. 5a), unnanzi-ma-war-as "mais ils l'entraînent au loin" (1. 2. 3), kinun-a-war-as "et maintenant lui" (1. 2. 3), KASKALHI.A-ya-wa-smas "aussi les chemins à vous" (1. 2. 3), arahzenas-wa-mu-za "les voisins eux-mêmes à moi" (2. 3. 5b), mānn-a-wa-mu "et si à moi" (1. 2. 3), DUMU-ŠU-ma-wa-ssi-za-kan "mais son fils à lui-même" (1. 2. 3. 4. 5b), kinun-ma-wa-tu-za "mais maintenant à lui-même" (1. 2. 3. 5b ; pour -tu-, cf. §§40. 100), dUTUŠI-wa-du-za-kan "le Soleil à toi-même" (2. 3. 4. 5b).
2. La particule de citation
289) Si une citation est incluse dans une narration, la particule enclitique -wa est ajoutée au premier mot accentué de chaque proposition de la citation : mPihhuniyas-ma-mu kissan hatrāes UL-wa-tta kuitki EĜIR-pa pihhi mānn-a-wa-mu zahhiya uwasi nu-wa-tta UL kuwatqa ammēl A.ŠÀ kueri anda zahhiya tiyami ANA KURTI-KA-wa-tta menahhanda uwami nu-wa-tta-kkan ANA ŠÀ KUR-KA zahhiya tiyami "mais Pihhuniya m'a écrit ainsi : je ne te rendrai rien. Et si tu viens me combattre, je n'irai en aucune façon sur mon propre terrain (et) sol ; je te rencontrerai dans ton pays et j'irai te combattre dans ton pays".
290) Plusieurs mots enclitiques commençant par une voyelle peuvent suivre la particule de citation, tels que les formes du pronom -a- (§102) ou les particules -asta et -apa (§301). Dans ce cas, la particule se présente dans sa forme complète -war- (§30) : nu arahzenas KUR.KUR LÚKÚR kissan memir ABŪŠU-wa-ssi kuis LUGAL KUR Hatti esta nu-war-as UR.SAĜ-is LUGAL-us esta nu-wa-za KUR.KUR LÚKÚR tarahhan harta nu-war-as-za DINGIRLIM-is DÙ-at DUMU-ŠU-ma-wa-ssi-za-kan kuis ANA ĜIŠGU.ZA ABĪŠU esat nu-wa apāss-a karū LÚKALA-anza esta nu-war-an irmaliyattat nu-wa-za apāss-a DINGIRLIM-is kisat "et les pays ennemis voisins parlèrent ainsi : son père, qui était roi du pays Hatti, était un roi héroïque et il a tenu en échec les pays ennemis ; et il est devenu un dieu. Mais son fils, qui s'est assis sur le trône de son père, était aussi auparavant un héros de guerre ; maintenant il est tombé malade (§200b) et il est aussi devenu un dieu".
291) Il arrive parfois que le verbe introduisant la citation soit absent ; on peut interpréter la phrase en insérant "avec les mots" avant la citation : nu-kan NAM.RAMEŠ katta uer nat-mu ĜÌRMEŠ-as kattan haliyandat BĒLĪNI-wa-nnas lē harnikti "les prisonniers descendirent, et ils s'agenouillèrent à mes pieds (avec les mots) : notre seigneur, ne nous massacre pas !".
292) a) Dans le langage des textes mythologiques, plus rarement dans les autres textes, l'utilisation de la particule est moins stricte : nu sarā nepisi atti-ssi halzāis ammuga EĜIR-pa anda ep lē-mu genzuwāisi "maintenant, il appelait son père vers le ciel : emmène-moi à nouveau ! ne m'épargne pas !" (à côté de plusieurs utilisations correctes de la particule dans le même texte).
b) A l'inverse, on trouve de manière isolée -wa à la mauvaise place : nu DUMUMEŠ-KA DUMUMEŠ dUTUŠI-pat AŠŠUM BĒLŪTIM pahsantaru nu-wa-smas HUL-lu menahhanda lē sanhateni "et tes fils doivent se mettre respectueusement sous l'autorité des fils du Soleil. Et ne projetez rien de mal!", nu-wa mUkkuras LÚUGULA.10 MUNUS.LUGAL li-in-kán!-ta "et Ukkura, le décurion de la reine, jura (!)".
c) 1. Occasionnellement, -wa se trouve au début d'une citation, mais est omis dans la partie suivante de la citation.
2. -wa peut aussi être omis dans les phrases courtes d'un dialogue.
3. La particule -pat "même, aussi"
293) On ne peut présenter ici la particule enclitique -pat (de lecture incertaine, peut-être -pit ou -pe) que dans ses utilisations principales car il n'existe pas d'étude appronfondie à son sujet :
a) elle correspond au français "même" (concernant ce qui a été déjà mentionné) : si un esclave a volé, et takku BĒLŠU tezzi ser-wa-ssi sarnikmi nu sarnikzi takku mimmai-ma nu ÌR-an-pat sūizzi "si son maître dit : 'je veux effectuer la peine pour lui', alors il doit effectuer la peine. Mais s'il refuse, il doit même abandonner l'esclave", nu-kan mUhha-LÚ-is aruni anda BA.UG7 DUMUMEŠ-ŠUNU-ma-za arha sarrandat nu-kan 1-as ŠÀ A.AB.BA-pat esta 1-as-ma-kan arunaz arha uit "et Uhha-LÚ est mort dans la mer (c.a.d. dans une île). Ses fils se sont séparés (§254b) ; et l'un est resté aussi dans la mer, mais l'autre est revenu de la mer".
On peut traduire apās-pat par "ce même" : takku ÌR-is huwāi nas kururi KUR-e pāizzi kuis-an EĜIR-pa uwatezzi nan-zan (§34) apās-pat dāi "si un esclave s'enfuit et va dans un pays ennemi, celui qui le ramène peut garder celui-là même pour lui".
b) -pat avec un pronom possessif correspond à "propre" : apēl-pat annasas katta "chez sa propre mère", SAĜ.DU-KA-pat "ta propre tête".
c) Avec un attribut, il peut signifier "également, aussi, encore" : nu-za ABŪYA kuwapi DINGIRLIM-is DÙ-at mArnuwandas-ma-za-kan ŠEŠ-YA ANA ĜIŠGU.ZA ABĪŠU esat EĜIR-an-ma-as irmaliyattat-pat "et aussitôt que mon père est devenu un dieu, mon frère Arnuwanda s'est assis sur le trône de son père. Mais après, il est également tombé malade".
d) Un sens fréquent de -pat est "seulement" : kappuwantes-pat-mu-kan antuhses isparter "seulement peu de personnes (lit. dénombrables, §277c) m'ont échappé", LUGAL-us-san hantezziyas-pat DUMU.LUGAL kikkittaru "seul le premier prince doit devenir roi", nu-za ÌR-SÚ-pat dāi sarnikzil NU.ĜÁL "il ne peut prendre que son esclave, il n'y a pas de compensation". Dans les prédictions, souvent après la détermination de la cause de la colère divine : mān kī-pat namma-ma tamai NU.ĜÁL kuitki "s'il n'y a que celui-ci, rien d'autre n'est alors disponible".
e) Il signifie moins fréquemment "néanmoins, malgré tout" : nu-za mān irmalanza-sa (§25b) esta dUTUŠI-ma-tta ANA AŠAR ABĪKA tittanunun-pat "et bien que tu sois malade, je t'ai installé malgré tout à la place de ton père".
4. Les particules de position -kan et -san
294) Les particules -kan et -san sont étudiées ensemble car elles contiennent toutes les deux une relation au lieu ; elles sont utilisées principalement avec les verbes de mouvement. Les différentes utilisations de -kan se sont pas encore totalement comprises.
295) -kan se trouve surtout avec les localisations. Il modifie avant tout le sens de la particule des verbes de mouvement. Si le mouvement est la conséquence d'un mouvement précédent, -kan est absent, si c'est un mouvement indépendant, -kan est présent. Plus précisément :
Exemples : nekuz mehur-ma DINGIRLUM anda udanzi "le soir toutefois, ils rentrent encore la divinité", nu-war-as-kan kāsma sumās anda uit "et voilà, il est entré chez vous", GIM-an-ma URUNeriqaza EĜIR-pa uizzi "comme il retourne toutefois à Neriqqa", nan-kan EĜIR-pa INA KUR-ŠU pehutezzi "et il le conduit au loin dans son pays", nas URUKÙ.BABBAR-si arha udahhun "et je les ai ramenés chez moi à Hattusa", nas-kan URU-riaz arha hūdak pāiddu "et il doit immédiatement quitter la ville", lukkatta-ma parā pāun "mais le lendemain, j'ai continué plus avant", LÚ ĜIŠPA-ma-kan parā aski pāizzi "mais le messager sort par la barrière", nu nekuz mehuni hūdak GAM pāitten "et le soir, redescend immédiatement", nu-kan ERIN2MEŠ URU-az katta udas "et il a apporté des troupes en bas de la ville", nas INA É DINGIRLIM sesuwanzi hūdak sarā uiddu "et il doit remonter immédiatement dans le temple pour dormir", nu-kan URUAstata URU-ri sarā pāun "et je suis monté vers la ville d'Astata".
296) On peut comparer d'autres cas : nat-kan ANA KUR URUHatti istarna uda "apporte cela dans le pays Hatti", nas-kan aruni parranda pāit "et il a traversé la mer", nat-kan INA KUR Gasga kattanda pēdas "et il l'a descendu dans le pays Gasga", kuitman-as-kan INA KUR URUHatti sēr "tant qu'il (est) en haut dans le pays Hatti". A l'inverse, nu-mu ŠEŠ-YA dNIR.ĜÁL-is EĜIR-anda uit "et mon frère Muwattalli est venu derrière moi", nu-mu ENMEŠ hūmantes menahhanda uer "et tous les seigneurs sont venus devant moi".
297) -kan disparaît :
a) à côté des particules -san (§300) et -asta (§301a) : nasta LUGAL-us IŠTU É dZababa parā uizzi "et alors le roi est sorti du temple de Zababa".
b) au voisinage de andan, appan et kattan : nu-ssi INA URUSamuha ukila kattan pāun "et je suis allé moi-même chez lui à Samuha".
c) quand le verbe n'a pas de particule : nan BĒLUM kuiski uwateddu "et tout seigneur doit le rapporter".
298) 1. -kan est présent aussi :
a) avec quelques locutions adverbiales de sens local tels que pedi daliya- "laisser la place", ŠÀ-ta tarna- "tenir compte", ŠU-i dāi- "mettre dans la main", KASKAL-si dāi- "mettre en oeuvre".
b) avec les verbes signifiant "influencer quelqu'un physiquement ou mentalement" tels que es- "occuper", kuen- "frapper", ishāi- "imposer", zammurāi- "humilier", etc...
c) avec les verbes signifiant "être influencé par quelqu'un" tels que nahh- "avoir peur de", aus- "voir quelque chose chez quelqu'un", wemiya- "trouver quelque chose chez quelqu'un", etc...
2. Mais il est absent avec ces verbes dans les textes legislatifs après takku : man-kan kuenzi "et il le tue", nan-kan kunanzi "et ils le tuent", mais takku LÚDAM.GÀR URUHatti kuiski kuenzi "si quelqu'un tue un marchand de Hatti", takkus LÚ-is wemiyazi tus kuenzi "si un homme les trouve et les tue".
299) La particule -san n'apparaît jamais à côté de -kan. Les deux s'excluent mutuellement (§297a). Le groupe -za-san devient -zan selon §42b1.
300) On trouve -san en particulier avec les verbes de position qui peuvent aussi être liés à -kan ; -san donne probablement à ces verbes l'indication spéciale "sur". Il n'est pas rare de trouver la particule ser à côté de -san. Exemples : ser-a-ssan ŠA ĜIŠ LÚIŠ artari "et dessus se trouve un guidon en bois" (d'autre part ANA ĜIŠGIGIR-ya-kan kuēdani apēdani UD-ti arhahat "et le char sur lequel je me trouvais ce jour-là"), nas-san ŠA dU ĜIŠŠÚ.A asāsi "et il l'assoit sur le fauteuil du dieu de l'orage" (mais nan-kan ĜIŠhuluganni asesanzi "mais on l'assoit dans le char"), nu-ssi-ssan UDU UZUGAB-i ser epzi "et il lui maintient le mouton sur la poitrine" (à côté de nu-ssi-kan iskisas ser epzi "et il (le) lui maintient sur le dos"), nu-zan mān ANA dUTUŠI ser SAĜ.DU-KA-pat ser autti "et si tu regardes le Soleil (comme) ta tête".
5. Les particules -(a)sta et -(a)pa
301) a) Le sens des particules -(a)sta et -(a)pa (-ap) n'est pas encore déterminé, cette dernière alternant communément et occasionnellement en vieux-hittite avec -(a)sta.
b) 1. Au sujet de la réduction de -asta en -sta ou -ta après les syllabes -as, -is, -us, cf. §42c1.
2. Si -apa suit un mot se terminant par -i, il se réduit à -pa : aki "il meurt" + -(a)pa > akipa, nu + -at + -si + -(a)pa > natsepa "et ça à lui".